Chère Madame Rohonyi,

Merci pour votre réponse.  Je suis heureux d’apprendre que notre micro-taxe ait pu faire l’objet de discussions au sein de votre parti.  En effet, la première étape de notre stratégie de communication semble porter ses fruits : faire connaitre la micro-taxe.  Il y a trois ans de cela, ce paradigme fiscal était encore inconnu dans notre pays.  Il est dommage toutefois que vous ne nous ayez pas conviés à vos discussions en interne.  Nous aurions pu vous apporter un complément d’éclairage qui aurait sans doute modifier votre perception de la micro-taxe et vous aurait amené, peut-être, à adopter des conclusions sensiblement différentes.

Je ne manquerai pas de prendre contact avec Monsieur Michaël Loriaux.  Je mets d’ores et déjà Monsieur Loriaux en copie afin qu’il puisse mener une réflexion sur notre argumentation en vue d’une prochaine discussion.  Permettez-moi donc de revenir sur les éléments que vous avez abordés comme autant de grains de sable pouvant enrayer la belle mécanique micro-taxe :

La progressivité de l’impôt est une merveilleuse idée pour soulager les faibles revenus à partir du moment où l’assiette fiscale sur laquelle repose l’impôt (le PIB) est trop exigüe.  La pression fiscale moyenne que nous connaissons en Belgique frise les 45% selon l’OCDE, et il serait effectivement irraisonnable de demander aux revenus les plus faibles de supporter une telle charge fiscale.  Raison pour laquelle on demande un effort plus important aux revenus les plus conséquents.  Cela étant, imaginez que nous basculions vers une assiette fiscale énorme et sans commune mesure avec l’assiette fiscale actuelle :  à recettes équivalentes pour l’Etat, plus l’assiette fiscale s’élargi, plus il est possible de diminuer l’impôt sur cette assiette.  Et vu les flux financiers électroniques gigantesques qui circulent dans notre pays, il serait possible de réduire la fiscalité sur ces flux à 0,5 % pour garantir les recettes dont l’Etat a besoin.  C’est donc bien l’étroitesse de l’assiette fiscale actuelle qui impose la progressivité de l’impôt et rien d’autre.  L’impôt progressif, nécessaire à la capacité contributive de chacun actuellement, devient bel et bien caduc dans un contexte micro-taxe.  En effet, un impôt à 0,5% pour tous est parfaitement supportable par tous.

Concernant l’effet cumulatif de la micro-taxe à chaque étape de la production, il est indéniable.  Mais ne retenir que cet aspect pour évacuer la micro-taxe dans un tel contexte n’est pas signifiant.  En effet, il ne faut pas oublier que dans le même temps, les acteurs de ces étapes de production se voient dispensés des charges patronales sur le personnel qu’ils occupent, tout en étant dispensé de l’impôt des sociétés de surcroit.  Pour en avoir parlé avec des dizaines d’entrepreneurs, pour eux, il n’y a aucune hésitation possible.  Et s’ils pouvaient par la même occasion être débarrassés de toute la bureaucratie liée à la TVA, ce qui est potentiellement réalisable avec la micro-taxe, le choix entre la fiscalité actuelle et la micro-taxe n’est même plus un sujet de discussion !

Contrairement à ce que vous avancez, la micro-taxe impose bien tous les contribuables de la même façon : 0,5 % pour tous.  Actuellement, avec des taux d’imposition différents, des possibilités d’optimisation fiscale, une évasion fiscale organisée par l’EU (pas d’obstacle à la circulation des capitaux), la possibilité de faire appel au ruling et les intérêts notionnels qui ont montré toutes leurs limites, c’est bien la fiscalité actuelle qui génère des inégalités entre contribuables.  Si la fiscalité est si élevée chez nous, c’est en partie parce que notre pays fait trop de « cadeaux fiscaux » à certaines catégories de la population et que, d’une manière ou d’une autre, l’Etat doit s’y retrouver. Monsieur Loriaux me contredira-t-il ?

« Ceux qui utilisent quotidiennement les paiements électroniques seront in fine beaucoup plus impactés que les autres ».  De quels autres parlez-vous ?  De ceux qui utilisent du cash ?  Il faut savoir que le cash n’échappe pas à la micro-taxe.  En effet, le cash provient d’un guichet de banque ou d’un distributeur de billets.  Ces retraits constituent bel et bien une transaction financière électronique et sont donc micro-taxés.  D’autre part, ce cash termine immanquablement sa course dans une banque (le commerçant dépose sa recette du jour à sa banque).  Il s’agit à nouveau d’une transaction financière électronique et elle est donc micro-taxée.  D’autre part, personne ne se priverait des facilités qu’offre le paiement par voie électronique.  Vous-même, tentez de vous représenter mentalement ce que serait votre vie si du jour au lendemain vous fermiez vos comptes en banque et viviez uniquement avec du cash.  C’est totalement inimaginable dans la société actuelle.  Cela étant, la micro-taxe ne vise pas les pauvres personnes pour qui la vie est vraiment difficile et qui seraient tentées d’utiliser du cash pour économiser quelques cents.  La micro-taxe vise les gros poissons et se donne l’ambition de faire participer les ultra-riches à la hauteur de leurs capacités contributives, puisqu’il était question de cela ci-dessus, eux qui se débrouillent toujours pour éviter l’impôt.  Avec la micro-taxe, il ne sera plus possible pour eux d’y échapper.

En matière de finance, je ne connais qu’une seule règle vraiment universelle : les capitaux se dirigent toujours vers les pays à la fiscalité attrayante.  Ce pourrait être le cas si la micro-taxe était implémentée en Belgique.  Et si la micro-taxe n’attire pas les spéculateurs, elle attirera chez nous les investisseurs dans l’économie réelle.  C’est bien d’eux dont notre pays a besoin.

Cela étant, et en conclusion, rien ne vous oblige à prendre notre argumentation pour argent comptant.  De notre côté, nous avons du mal avec cette attitude qui consiste à balayer d’un revers de la main un paradigme fiscal dont la viabilité n’a pas été au moins invalidée par un test.  Devant les arguments avancés par les partisans de la micro-taxe, et les contre-arguments avancés pas ses opposants, la réalité est qu’il est impossible pour l’instant de savoir qui a raison.  Aussi, afin que les uns et les autres puissent faire reposer leurs convictions sur une réalité factuelle, nous proposons de faire un test en grandeur réelle.  Au lieu d’une micro-taxe à 0,5 % prévue en vitesse de croisière, nous expérimenterions pendant un an une nano-taxe à 0,05 %, sans contrepartie fiscale pour le contribuable dans un premier temps, pour déterminer avec exactitude le montant de l’assiette fiscale à disposition et le taux optimal de la micro-taxe.  De notre côté, nous n’aurions aucun mal à abandonner notre beau concept si ce test révélait que la micro-taxe n’est pas viable.  Ce que nous savons en revanche, c’est que dans les statistiques publiques que la Banque des Règlements Internationaux (https://www.bis.org/) met à disposition et que nous avons pu consulter, il est fait état dans notre pays de flux financiers supérieurs à 1.000 fois notre assiette fiscale actuelle.  Ces flux pourraient constituer une assiette fiscale potentielle pour la micro-taxe.  Rien que ces chiffres, qui donnent le tournis, valent la peine de tenter ne serait-ce qu’un test.

Très cordialement.

Jean-Jacques Engels.