Analyse déconcertante du Centre Jean Gol à propos de la micro-taxe. 

Analyse du Centre Jean-Gol : https://www.cjg.be/wp-content/uploads/2021/02/CJG-ANALYSE-Micro-taxes.pdf

Rappelons tout d’abord que le concept de micro-taxe consiste à remplacer toute (ou partie de) la fiscalité actuelle par un tout petit impôt prélevé automatiquement sur toutes les transactions financières électroniques, c’est-à-dire sur tous les paiements électroniques.  Le taux de la micro-taxe est estimé actuellement à 0,5% du montant de la transaction, pour moitié à charge du compte débiteur (0,25%) et pour l’autre moitié à charge du compte créditeur (0,25%).  Il faut savoir que ce taux infinitésimal est rendu possible grâce à l’assiette fiscale gigantesque que constituent les flux financiers, non seulement dans notre pays, mais également dans le monde entier.  La micro-taxe se différencie de la taxe sur les transactions financières, discutée actuellement au sein de l’UE, par le fait qu’elle s’applique par substitution à la fiscalité actuelle et qu’elle s’applique sur la totalité des transactions financières électroniques (et non pas sur quelques transactions boursières).   

Restait donc à convaincre.  Et c’était pourtant bien parti avec le Mouvement Réformateur (MR).  Lors d’une interpellation de Monsieur Georges-Louis Boucher par un des membres de notre groupe Facebook « La micro-taxe », des signes d’ouverture étaient visibles (voir sa réponse complète sur notre site web) : « Le concept est incontestablement innovant », « «L’idée parait simple et est donc aisément compréhensible par tous », « Elle répond à une demande réelle de simplification de notre fiscalité, ce qui est évidemment un thème libéral », « Le pouvoir d’achat augmenterait de manière importante en raison d’une baisse significative de la pression fiscale », « Le concept soulève encore plusieurs questions idéologiques et pratiques mais mérite certainement d’être approfondi », « Le MR souhaite donc poursuivre l’analyse à ce sujet », etc. 

A priori, Monsieur Georges-Louis Boucher s’est fait rattraper par ses belles-mères qui n’ont pas manqué de lui remonter les bretelles.  En effet, le Centre Jean Gol (CJG dans le texte) vient de publier une analyse de la micro-taxe qu’il a titré « Micro-taxe, la grande illusion ». 

Le critique démarre par le constat qu’aucune étude chiffrée de grande ampleur n’a été réalisée sur le sujet.  Exact.  L’idée n’en est encore qu’au prototype et ses partisans n’ont pas les budgets nécessaires pour mener une étude détaillée pour l’instant.  D’autre part, les chiffres clés qui rendraient cette étude possible sont enfermés dans les banques qui refusent de communiquer sur le sujet.  Cela étant, les flux sont là et on peut consulter leurs volumes sur le site de la Banque des Règlements Internationaux (BIS), la banque centrale des banques centrales.  S’ensuit, dans l’analyse du CJG, une succession de contre-arguments ne reposant pas d’avantage sur une étude chiffrée, que le CJG aurait peut-être pu mener vu les budgets à disposition et vu leurs introductions dans les banques.   

Et donc, les points de contre-argumentation de l’analyse sont vus comme autant de grains de sable qui pourraient enrayer la mécanique micro-taxe.  Bien entendu, nous nous sommes livrés sans peine en interne au petit exercice consistant à souffler sur ces petits grains de sables afin qu’ils s’envolent (Contre-argumentation de l’analyse du Centre Jean Gol).  Par contre, il est curieux de constater que le CJG ne voit pas les tonnes de sable qui recouvrent et qui rouillent le tas de ferraille que constitue la fiscalité actuelle : un code des impôts datant de 1992, revu en 2014 et pesant 506 pages (l’index à lui seul fait 16 pages). Auxquelles il faut ajouter toutes les modifications parues au Moniteur depuis cette date.  En Suisse, la micro-taxe fait actuellement l’objet d’une collecte de signatures afin de mener le nouveau paradigme fiscal de la micro-taxe à une votation à l’horizon 2022.  Dans ce pays, le nouveau code des impôts de la micro-taxe tient sur… deux pages !  Pour info, et pour se distraire un peu, un exemple au hasard de ce que l’on peut trouver actuellement dans notre code des impôts :  

Article 527, CIR 92 (ex. d’imp. 2014) 

L’article 19, § 1er, 3°, a, tel qu’il existait avant d’être modifié par l’article 390 de la loi programme du 27 décembre 2004, reste applicable aux revenus compris dans les capitaux et valeurs de rachat liquidés en cas de vie afférents à des contrats d’assurance-vie non visés à l’article 104, 9°, que le contribuable a conclus individuellement, lorsqu’il s’agit de contrats prévoyant un rendement garanti et dont aucune des primes n’a donné lieu à une réduction d’impôt pour épargne à long terme, conformément aux articles 145/1, 145/6 et 145/17 à 145/20, tels qu’ils existaient avant d’être modifiés ou abrogés par les articles 397, 399 et 400 de la loi-programme, ou tels qu’ils sont restés applicables en vertu de l’article 526, § 2, alinéa 2. 

Et donc, 506 pages de cet acabit. Bien entendu, plus un code des impôts est compliqué, plus il est aisé pour l’ingénierie fiscale privée de s’enfoncer dans les brèches qu’il présente.  Ce code est en fait une vraie passoire pour ceux qui souhaitent pratiquer l’évitement fiscal.   

Pour en revenir à l’absence d’étude, nous proposons mieux que cela.  Nous suggérons un test grandeur réelle à titre expérimental avec une « nano-taxe » de 0,05% (au lieu d’une micro-taxe de 0,5% en vitesse de croisière) afin de déterminer l’assiette fiscale exacte et le taux de micro-taxe optimal.  Si les conclusions du test s’avéraient négatives quant à la viabilité de la micro-taxe, ses partisans n’étant pas suicidaires, ils n’auraient aucun problème à abandonner le projet. Ajoutons à cela que cette nano-taxe expérimentale permettrait d’agrémenter le budget de l’état d’une somme de 20 milliards d’euros en une seule année.  Un peu de beurre dans les épinards à l’heure où notre gouvernement doit faire face à un déficit de 35 milliards d’euros dont 9 nous ont été laissés gracieusement par le gouvernement Michel.  

Enfin, dans ses conclusions, malgré l’invraisemblable charabia donné à titre d’exemple ci-dessus et malgré une pression fiscale de l’ordre de 45% selon l’OCDE qui nous place sur le podium des 3 pays les plus taxés au monde, le CJG n’hésite pas à prétendre qu’en lieu et place de la micro-taxe, il serait préférable de « réconcilier les citoyens avec l’impôt ».  Restons sérieux : le CJG a autant de chances de réussite dans cette tentative de réconciliation que de chances d’endormir un chat sur une côtelette !  

 

Jean-Jacques Engels.