Concept
Le concept de taxe sur les transactions financières électroniques est apparu pour la première fois en 1989 dans le chef de M. Edgar L. Feidge, professeur à l’université du Wisconsin à Madison. Elle a été reprise en 2012 sous l’appellation « micro-taxe » par le financier suisse Félix Bolliger. Monsieur Bolliger propose de remplacer toute (ou partie de) la fiscalité actuelle par un micro prélèvement automatique sur tous les paiements dématérialisés, c’est-à-dire sur toutes les opérations de débit et crédit des comptes bancaires. Le taux de cette micro-taxe devrait être extrêmement bas, et très certainement en dessous de 1%. Le verbe « remplacer », utilisé ci-dessus, revêt une importance considérable. Toutes les tentatives d’instauration de taxes sur les transactions financières ont toujours été appliquées par superposition à la fiscalité existante ce qui les a toujours rendues très impopulaires. La micro-taxe s’applique donc bien par substitution (remplacement) et non par superposition à la fiscalité actuelle. Cela a des implications considérables que nous verrons ci-dessous.
En fait, Félix Bolliger a eu la bonne idée d’observer les flux financiers opérés dans les banques suisses. Il a pu ainsi constater que la somme de ces flux constituait un montant 160 à 200 fois supérieur au produit intérieur brut du pays (PIB). Or, ce PIB est justement l’assiette fiscale sur laquelle repose la fiscalité actuelle. L’idée de Félix Bolliger est à la fois simple et géniale : basculer de l’assiette fiscale actuelle, qui repose donc sur le PIB, vers l’assiette bien plus large que constituent les flux financiers.
L’initiative populaire suisse
Le franco-suisse Marc Chesney, ex-Doyen à HEC Paris et actuellement professeur de finance à l’université de Zurich, est le compagnon de route de Félix Bolliger dans la promotion de la micro-taxe. Il vient de lancer en Suisse, avec une équipe d’une quinzaine de personnes, une initiative populaire qui devrait mener la micro-taxe à une votation à l’horizon 2022. Cette initiative populaire doit recueillir 120.000 signatures afin que la votation puisse avoir lieu. En principe, cette étape ne devrait pas poser de problèmes. Si au terme de la votation une majorité de Suisses et une majorité de cantons se prononcent en faveur de la micro-taxe, la Confédération sera obligée de fondre la micro-taxe dans la Loi et la faire appliquer.
Le concept de micro-taxe n’appartient donc plus au domaine du fantasme. L’idée est sur les rails, espérons que le train arrive à destination.
Et en Belgique ?
Le contribuable belge subit actuellement une pression fiscale estimée en moyenne à 43,07% calculé sur le PIB (2020) selon l’OCDE, nous plaçant sur le podium des pays les plus taxés d’Europe. Si l’on regarde la pression fiscale sur les revenus cette fois, la pression fiscale monte à 54%. En d’autres termes, notre Etat nous rackette de près de la moitié de nos revenus. Pourquoi utiliser tout de suite les gros mots : racket ? Simplement parce que cette pression fiscale est non seulement une des plus élevées d’Europe, voire du monde, mais le niveau des services offerts en contrepartie par notre pays est plutôt moyen. En 2019, l’index Better Life de l’OCDE, nous plaçait en 13e position sur les 40 pays membres de l’OCDE. Aujourd’hui, nous avons encore reculé de 3 place pour nous situer en 16e place. Un niveau de prestation très en deçà donc de ce que pourraient exiger nos contribuables vu les efforts financiers que l’Etat exige de leur part. Ce n’est pas une consolation, mais il y a pire que nous : la France occupe la deuxième marche du podium des pays les plus taxés et seulement la 18e place à l’index Better Life.
La Belgique et la France, ne bénéficient pas de l’abondance des flux financiers suisses. Toutefois, Marc Chesney estime que dans ce type de pays, les flux financiers bancaires se situent entre 100 et 150 fois leurs PIB respectifs. Si l’on adopte une position conservatrice et que l’on considère la borne inférieure de la fourchette, c’est-à-dire 100 fois le montant de notre PIB, la Belgique pourrait donc bénéficier d’une assiette fiscale de l’ordre de 507,2 mds € x 100 = 50.720 mds € (notre PIB se situant autour de 507 milliards € en 2021). Et donc, en élargissant notre assiette fiscale d’un facteur 100 nous pourrions diminuer dans le même temps notre pression fiscale du même facteur et passer d’une pression fiscale moyenne de 43,07 % à une pression d’à peu près 0,5 % sur les flux financiers !
En résumant, une micro-taxe de 0,5% sur une assiette fiscale de 50.720 mds € génèrerait une somme de 253,6 mds € en termes de recette pour l’Etat belge. Et donc, un budget largement excédentaire par rapport à ce qu’il est actuellement.
La suppression de la fiscalité actuelle, et son remplacement par la micro-taxe, auraient des implications énormes non seulement pour les salariés, mais aussi pour les indépendants et les entreprises :
- Pour le salarié : versement mensuel de son salaire brut et non plus d’un salaire net. Conséquence immédiate : un pouvoir d’achat démultiplié.
- Pour les entreprises : disparition des charges de sécurité sociale sur le personnel et disparition de l’impôt des sociétés. Conséquences possibles : augmentation de moyens supplémentaires pour des investissements, diminution des coûts de production, meilleure rétribution des actionnaires.
- Pour les banques et acteurs financiers : un revenu supplémentaire généré par la facturation de leurs services visant à prélever et transférer la micro-taxe vers le SPF Finances.
- Disparition de toute la bureaucratie tournant autour de notre fiscalité actuelle et de tous les coûts y afférents.
Techniquement, la micro-taxe serait prélevée automatiquement par les banques sur toutes les transactions financières électroniques, c’est-à-dire sur tous les mouvements de débit et crédit des comptes bancaires. Le prélèvement serait immédiatement reversé sur un compte du SPF Finances.
En pratique :
- Un virement de 1.000 €, pour paiement d’un bon loyer par exemple, se verrait micro-taxé de 2,5 € (0,25 %) sur l’opération de débit du compte bancaire du locataire, et de 2,5 € (0,25 %) sur l’opération de crédit du compte du propriétaire. Soit un prélèvement total sur la transaction de 5 € en micro-taxe (0,5 %) pour l’Etat.
- Retrait de cash à un distributeur -> opération de débit sur compte bancaire -> micro-taxe.
- Paiement en cash d’achat chez un commerçant : ce dernier dépose sa recette du jour à sa banque -> crédit de son compte bancaire -> micro-taxe.
- Règlement d’un restaurant par carte bancaire -> opération de débit du compte du client, opération de crédit du compte du restaurateur -> micro-taxe.
- Opérations de Trading, de compensation, commerce électronique : tous sont micro-taxables.
En d’autres termes, vous payez automatiquement vos impôts chaque fois que vous effectuez un paiement bancaire. Cette automaticité et le caractère infinitésimal de la taxe implique qu’il devient pratiquement impossible, voire inutile, de tricher ou de frauder et donc d’échapper à l’impôt.
Une société avec micro-taxe
- Forte augmentation du pouvoir d’achat de la population
- Tout le monde paie le même taux de micro-taxe. Plus personne n’est stigmatisé
- Suppression de la déclaration d’impôt, que ce soit pour le particulier, l’indépendant ou l’entreprise
- Disparition probable de l’évasion fiscale étant donné que le pays devient lui-même ce que l’on pourrait appeler un paradis fiscal
- L’impôt sous sa forme actuelle ayant disparu, il n’y a plus de niches fiscales et donc plus d’optimisation fiscale possible
- Disparition de fraude fiscale. Le prélèvement de l’impôt sous forme de micro-taxe se faisant de manière automatisée lors de la transaction financière, il devient impossible de tricher
- Disparition de fraude sociale. En effet, le paiement en cash n’échappe pas à la micro-taxe puisque ce cash provient soit d’un guichet de banque soit d’un distributeur de billets. Dans les deux cas il y a une opération de débit sur un compte bancaire et donc application de la micro-taxe. L’impôt est donc prélevé et nous pouvons donc payer notre femme de ménage ou notre jardinier de main à la main en toute légalité.
- Les deux derniers éléments ci-dessus auraient comme conséquence de faire remonter en surface toute l’économie souterraine.
- Énorme coup de boost et spirale positive pour l’économie du pays suite à l’augmentation drastique du pouvoir d’achat de la population et de la diminution des coûts de production de nos entreprises (rappel : suppression de l’impôt des sociétés et suppression des charges sociales pour les entreprises du pays)
- Attrait sans précédent pour notre pays de la part d’investisseurs étrangers : une fiscalité attrayante, stable et lisible ainsi qu’un marché de consommateurs dont le pouvoir d’achat est démultiplié.
- A produit égal, la production locale est boostée par rapport aux importations étrangères suite à la baisse des coûts de production et donc des prix de ventes. (rappel : suppression de l’impôt des sociétés et suppression des charges sociales pour les entreprises du pays)
- Vu les coûts de production réduits de nos entreprises, la production locale sera plus intéressante en termes de prix d’achat et favorisera donc le circuit court.
- Gros coup de frein à toute l’activité de trading haute fréquence (HFT) qui génère de l’instabilité sur les marchés et de gros risques systémiques.